Carlos fuentes : extrait de les années avec laura diaz

Carlos fuentes : extrait de Les années avec laura diaz

Bien qu’elle ait réussi à rétablir une intimité avec son passé, Laura ne put, en revanche, établir un véritable contact avec ses propresfils. Santiago était un vrai petit gentleman, courtois et prématurément sérieux. Danton était un petit diable qui ne prenait pas sa mère au sérieux, ni à la légère, comme si elle était une tante de plusde ce harem sans sultan.

Laura ne sut pas leur parler, ni les attirer et sentait que le problème venait d’elle, d’une insuffisance émotionnelle qu’il incombait à elle, et non à ses fils, decombler.
A vrai dire, le fils le plus jeune, à l’âge de onze ans, se comportait comme s’il était le sultan, un prince du foyer qui n’avait rien à prouver pour agir capricieusement, et exiger, enl’obtenant, l’acquiescement des quatre femmes qui le regardaient avec un peu de crainte, comme elles regardaient son frère avec une vraie tendresse.

Danton paraissait se vanter de la réticence presqueapeurée avec laquelle ses tantes et sa grand mère le considéraient, même si Maria de la O murmura une fois ce morveux mérite une bonne fessée, et une autre fois ou il n’avait même pas prévenu qu’il nerentrerait pas dormir, la grand mère Laetitia se chargea de la lui donner, ce à quoi l’enfant répondit qu’il n’oublierai pas l’insulte.

-Je ne t’insulte pas, bon à rien, je te donne juste desfessées. L’insulte, je la garde pour les gens importants, crétin.
Santiago observait tout cela avec sérieux et, parfois, il semblait que l’enfant se gardait d’un soupir résigné mais désapprobateur enversson grand frère.

Laura voulu les réunir pour se promener ou jouer avec eux. Elle rencontra une résistance têtue de la part des deux. Elle ne s’en vexa pas, ils ne la rejetaient pas elle, ils serejetaient entre eux, semblables à des rivaux de deux bandes adversaires. Laura se rappelait la vieille querelle familiale entre les pro-alliés et les pro-allemands pendant la guerre, mais cela…